Ce qui m’arrive est-il normal ?
Voilà une des questions que j’entends le plus souvent dans mon travail.
Logique, dans le cadre de la thérapie : si notre problème est normal et que d’autres ont pu s’en débarrasser, cela nous donne l’espoir de réussir aussi.
Il y a aussi des ressorts bien plus profonds à ce désir de normalité.
Le premier provient de notre dépendance totale aux autres durant les premières années de notre vie.
Nous avons hérité du deuxième de nos lointains ancêtres qui, jusqu’à il y a peu de temps, ne pouvaient que difficilement survivre en étant isolés. Comment assurer sa subsistance seul(e) quand on sait le nombre de choses nécessaires à la vie ? Il était bien plus pratique de se regrouper en clans pour optimiser les chances de survie. Certain(e)s s’occupent de la chasse, d’autres de la cueillette, d’autres encore de l’approvisionnement en eau, et ainsi de suite pour chaque tâche à assurer au quotidien.
De ces deux choses, il nous reste la peur d’être abandonné(e) ou rejeté(e). Être livré(e) à nous-même réduirait notre espérance de vie.
Pour éviter l’abandon ou le rejet, pour contrer ces peurs dont nous héritons par notre qualité d’être humain, nous cherchons donc à être dans la norme pour être accepté(e) par le groupe.
Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus regroupés en clan, mais en sociétés. L’espèce humaine compte un grand nombre d’individus et une grande partie de nos besoins primaires sont délégués et gérés à une très grande échelle : notre nourriture peut même nous être livrée à notre porte !
Ce n’est donc plus si vital d’être accepté dans un groupe aussi restreint qu’alors.
Pour autant, nous avons toujours besoin de contacts sociaux, mais, hormis à l’état de nourrisson, ce n’est plus notre survie qui en dépend mais notre bien-être.
La manière de satisfaire ce besoin a elle aussi changé : nous avons accès à bien plus de personnes qu’avant. Au travers de la télévision, d’internet, des réseaux sociaux, nous pouvons découvrir des fragments de vie de milliards de personnes.
Mais cette vieille habitude de nous comparer et de juger notre appartenance à la norme est toujours là.
Toujours aussi tenace.
Au point que nous nous sentons mal quand nous nous jugeons hors-norme.
Parfois au point de nous rabaisser tant et si bien que cela peut engendrer de graves répercussions physiques et/ou psychologiques :
- Une fracture de la jambe car « un humain normal est capable de descendre une piste verte à ski »
- Un burnout pour avoir trop entendu « un employé normal est capable de finir trois dossiers par jour »
- Une vie amoureuse désastreuse à force de poursuivre l’idéal d’un « couple normal qui s’aime, vit ensemble et a des enfants »
Être dans la norme est confortable … jusqu’à ce que ce ne le soit plus !
Mais au fond, parmi les huit milliards d’êtres humains présents sur Terre, et à l’heure où nous avons une multitude de choix à notre portée, qu’est-ce que « la norme » ?
La norme peut être deux choses :
- Ce que la société nous dit comme étant normal.
- Une statistique majoritaire dans un groupe d’humains.
Dans les deux cas, si nous changeons de références, et donc de points de comparaison, la norme change !
Si vous passez d’un environnement montagneux et fréquemment enneigé à un endroit sec et plat, descendre une piste verte devient hors-norme.
Si vous passez d’une entreprise qui considère ses employés comme corvéables à souhait vers une structure qui prend en compte la charge de travail de chacun, le fait d’exiger trois dossiers par jour devient aberrant.
Si vous passez d’une société dans laquelle le couple est valorisé pour arriver dans une société qui prône la polygamie ou la polyandrie, votre norme est moquée.
Si une norme est changeante en fonction des contextes, pourquoi en faire une obligation ?
Bien souvent le problème vient du fait que nous nous approprions une norme et que nous voulons la suivre.
Quoi qu’il en coûte !
Alors même que cette norme nous a été imposée :
- Par notre éducation.
- Par la société.
- Parfois uniquement par nous-même et notre cerveau qui a décrété une chose comme étant normale.
Mais être normal(e), c’est être banal(e) !
Quand Marc Twain dit : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. », il veut nous faire comprendre que l’impossible vient de cette norme que nous nous contentons de suivre.
Ce ne sont pas les gens normaux dont on parle le plus dans les livres d’histoire. Ce ne sont pas les personnes normales dont on se souvient au fil des générations.
Picasso a-t-il renoncé à peindre car d’autres l’avaient déjà fait ? Ou Baudelaire à écrire ?
Galilée s’est-il contenté de suivre la norme que la société édictait ? Et Marie Curie ?
Tous et toutes ont choisi de dépasser ce qu’on leur avait appris pour faire ce qu’ils et elles pensaient et à leur manière.
Bien sûr, les places sont limitées pour entrer dans cette catégorie de personnes dont les réalisations traversent les âges.
Mais nous, quand nous sentirons que la fin de notre expérience sur Terre s’approche, serons-nous heureux d’avoir vécu des choses normales ? Ou serons-nous heureux des choses extraordinaires ?
Si, comme moi, vous penchez pour la deuxième solution :
- Pourquoi attendrions-nous la fin pour nous poser cette question ?
- Quand allons-nous commencer à mettre des choses qui sortent de l’ordinaire dans notre vie ?
Si nous voulons être satisfait de notre vie, la vivre dans la normalité n’est pas la voie la plus sûre.
Si nous nous contentons d’être et de faire normalement, nous passons à côté de ce qui fait de chacun(e) d’entre nous un être unique.
Même si nous faisons quelque chose que d’autres personnes font, nous pouvons le faire à notre manière.
Copier les autres et faire comme eux nous rend malheureux car cela inhibe qui nous sommes.
Faire les choses à notre manière, en laissant s’exprimer notre sensibilité, notre regard sur le monde, nos valeurs et ce en quoi nous croyons, tout cela nous permet de nous exprimer pleinement.
S’il s’avère que ça correspond à une norme, et bien ce ne sera qu’une constatation. Mais la norme ne nous aura pas imposé notre manière de vivre et de penser.
Pour sortir de ce fonctionnement, une seule méthode : nous questionner pour mieux nous connaître !
Voici pour cela un petit florilège des questions qui peuvent nous y aider :
- Que considérons-nous comme normal ? Qui a dit que ça l’était ?
- Le serait-ce toujours si notre contexte était différent ?
- Quel est le risque de refuser cette normalité ?
- Cette norme est-elle une obligation ? Si oui, d’où vient-ellle ? Si non, pourquoi la suivre ?
- Si cette norme n’existait pas, qu’aurions-nous envie de faire ou en quoi notre vie serait-elle différente ? Serait-ce en mieux ?
Il y en a beaucoup d’autres … Je serai heureux de pouvoir compléter cette liste avec celles que vous pourrez me donner par mail ou en commentant cet article sur les réseaux.
D’ici-là, soyez vous-même : soyez anormal(e) !!